Feed-back : comment ne pas rater sa cible ?
Gaël Guéret, Consultante associée The Myers-Briggs Company
Après avoir abordé un premier mythe dans l’article « Qui sont les réfractaires au changement ? » je vous propose aujourd’hui des clés de lecture opérationnelles à propos du feed-back, thème rabattu s’il en est, pourtant essentiel pour nos clients qui ont le besoin impérieux d’apprendre et de s’adapter tous les jours.
Beaucoup de mythes entourent cet exercice. En voici un qui, nous semble-t-il, vaut le coup d’être déconstruit avec nos clients : « Quand je fais un feed-back à quelqu’un, je parle de lui (ou d’elle) ».
En effet…
Lors d’un feed-back, non seulement nous avons l’impression que nous parlons bel et bien de cette personne, de ses agissements et des conséquences de ceux-ci, mais souvent nous avons, sur le moment, le ressenti honnête d’évoquer une réalité objective, extérieure à nous.
Approfondissons et voyons s’il ne s’agit pas là d’une distorsion de la réalité, qui expliquerait pourquoi les feed-backs peuvent parfois manquer leur objectif et générer un échange limité voire inexistant.
Décodons ensemble :
Nous ne parlons pas de « la réalité »…
Nous ne pouvons parler que de notre « expérience de la réalité ».
Or, « qui nous sommes » a beaucoup à voir avec la façon dont nous construisons notre perception de « la réalité ».
Dans un feed-back, si nous avons l’impression de parler d’une réalité objective, solide, extérieure à nous, en fait nous parlons de notre relation à cette « réalité ». Nous parlons de nos filtres de perception, du prisme unique et personnel à travers lequel nous voyons le monde et lui donnons du sens. Nous parlons donc surtout de nous-même.
Posons-nous ces questions :
- Quelles sont les informations que je perçois naturellement en premier et auxquelles je donne de l’importance ?
- Quels sont les critères sur lesquels je vais interpréter ces informations et sur lesquels je vais décider ?
Quand nous posons ces mêmes questions à nos collègues, nous sommes souvent ébahis de voir à quel point leurs réponses peuvent diverger des nôtres.
Pourquoi est-ce si important de connaître nos filtres de perception et de décision ?
Si nous approchons la réalité au travers de nos filtres, notre expérience est naturellement unique.
- Est-ce « la bonne expérience » ?
- D’ailleurs, quelqu’un a-t-il « la bonne expérience » ?
Si la « bonne expérience » est toujours celle du plus haut gradé dans la salle, alors la contribution de l’équipe est naturellement réduite à peau de chagrin. L’équipe en viendra naturellement à tenir son hiérarchique responsable du succès ou de l’échec de l’entreprise. Adieu engagement et créativité !
Voilà pourquoi il est essentiel pour nos clients de confronter leurs expériences et d'être capables de les décoder. Cela leur permet d’approcher ensemble cette fameuse « réalité », d’apprendre collectivement, et d’oser aborder des sujets complexes avec plus de créativité.
Approfondissons pour mieux prendre conscience de nos modes de fonctionnement…
Nous avons évoqué la dernière fois les critères de perception de la réalité, mis en évidence et objectivés par Carl Jung, Sensation et iNtuition.
Nous pouvons maintenant faire un zoom sur nos critères de décision, Thinking et Feeling.
Tous les êtres humains accèdent à ces deux modes différents de prise de décision. Carl Jung soutient qu’ils ont une préférence innée, naturelle, pour l’un des deux. Quelle est votre préférence ?
- Pour les personnes qui préfèrent Thinking, la recherche de la vérité est un moteur puissant. C’est pourquoi ils vont naturellement se distancier dans la prise de décision, afin d’être le plus impartial possible. Ils auront tendance à considérer les émotions comme un des éléments de la réalité, et vont être naturellement prompts à critiquer, afin de tester la robustesse de ce qui leur est proposé, et surtout, d’amener un niveau de compétence supérieur.
- Pour les personnes qui préfèrent Feeling, la recherche de l’harmonie est au cœur de leur réacteur. Au moment de décider, ils auront tendance à placer mentalement au cœur de la situation, à évaluer l’impact de la décision sur les personnes. Ils vont naturellement évaluer la situation au regard de leurs valeurs propres ou de celles des personnes impliquées. Encourager les autres dans leur effort et dans leur potentiel leur vient assez spontanément.
Avoir conscience de sa préférence, pouvoir accepter celle des autres sans la juger, voilà qui nous permet d’aborder nos challenges de façon plus efficace et plus relâchée. Quelques astuces pour aborder ces situations, pour nous et nos clients :
Astuce #1 :
L’entrée en matière permet de placer le feed-back sous cet angle de l’expérience.
Plutôt que « je voudrais te faire un feed-back », nous pouvons ouvrir l’échange par :
« Je voudrais te faire part de mon expérience. »
Nous prenons ainsi la responsabilité de notre propre expérience. Nous rappelons que nous avons conscience qu'elle n’est pas « LA vérité », mais notre expérience de la réalité.
Cela nous permet d’expliciter ce que nous avons observé, ce que nous en avons pensé, ce que nous ressentons et ce que nous voulons.
Cela amène naturellement la question suivante : « Et toi, quelle est ton expérience ? »
Astuce #2 :
Si, au cours de l’échange, vous pouvez identifier les préférences de vos interlocuteurs en matière de décision, alors vous pouvez alors vous demander :
- Dans le cas où vous avez une préférence différente : « Comment cette perception complète la mienne ? Comment peut-elle m’aider à prendre une meilleure décision ? »
- Dans le cas où vous partagez la même préférence : « Est-ce que nous n’avons pas oublié quelque chose ? »
Vous avez des questions sur l'utilisation de ces préférences au sein des équipes ou des organisations ? Rendez-vous le 27 octobre 2022 :