Faut-il investir dans le développement humain en temps de crise ?
The Myers-Briggs Company
Temps de lecture : 7 mn
L'incertitude qui plane actuellement sur l’état futur de l’économie rend la menace de restrictions budgétaires pour la formation et le développement bien réelle. Et pourtant, c’est sans doute lorsque l’on demande aux collaborateurs de « faire plus avec moins » qu'ils ont le plus besoin d’être accompagnés.
Les périodes de ralentissement économique sont généralement synonyme de plus de challenges, de stress et de conflits dans les équipes.
Donner la priorité au développement des collaborateurs pourrait-il devenir, en période d’incertitude, une aubaine pour les entreprises ?
Les organisations face à de nouveaux défis…
… vont certainement devoir repenser leur manière de fonctionner, selon le rapport Global Human Capital Trends de Deloitte.
Il pointe également que dans un monde en pleine transformation où le changement lui-même a changé, développer la flexibilité et l’agilité n’est plus facultatif pour les entreprises.
Un mode d’organisation traditionnel où les compétences sont rattachées à un poste donné, dans un département donné ne semble plus répondre aux exigences du monde en constante évolution et au besoin d'agilité des entreprises. Une approche basée sur les compétences, par opposition à celle, traditionnelle, basée sur les emplois, émerge comme le nouveau modèle d’organisation du travail.
Il implique de remanier nos pratiques de gestion des talents, en abordant les choses de façon plus globale et systémique. Plutôt que de considérer qu’un individu X possède la compétence Y pour le poste Z, ce changement de paradigme implique qu’une personne X possédant la compétence Y pour le poste Z, la déploie plus largement à différents niveaux, postes ou projets d’entreprise : une sorte de mission Z++.
Et face à l'incertitude
« L’humain, capital au cœur de la performance durable de l’entreprise », est le dernier rapport du cabinet McKinsey où l’on peut lire : « À l’aune des mutations actuelles, le capital humain apparaît désormais davantage comme le socle sur lequel reposent tous les autres facteurs de compétitivité – et non plus « un facteur parmi d’autres ». »
Son étude menée sur 1 800 entreprises dans 15 pays fait ressortir que parmi les quatre modèles organisationnels actuels, ce sont les entreprises à « double focale » - celles qui combinent une orientation conjointe vers la performance économique et le capital humain - qui ressortent gagnantes. Les pratiques qui distinguent ces entreprises sont :
- Une planification stratégique des compétences,
- Une « fabrique interne » de production et de transmission à grande échelle de ces compétences,
- Une adéquation optimale des profils aux postes, grâce aux mécanismes de mobilité interne,
- Des comportements d’excellence en matière de leadership sur la triple dimension de l’adhésion à la vision collective, de l’autonomie laissée au terrain et de l’innovation collaborative.
Si les rapports de Deloitte et de McKinsey plaident en faveur d'un développement des compétences en période d'incertitude : de quoi parlons-nous exactement ?
Quelles compétences clés face à l’incertitude ?
Selon le Dr Rachel Cubas-Wilkinson, responsable du conseil au sein de The Myers-Briggs Company aux États-Unis, si le changement a toujours été de la partie, sa nature a changé ces dernières années amplifiant son impact : « De nombreuses recherches mettent en évidence que le temps où l’objectif des organisations était d’assurer la flexibilité dans la stabilité, est bien révolu. Dans le contexte actuel, aborder le changement de manière incrémentielle sans changer de paradigme et espérer rester dans la course relève de l’illusion. »
« Nous vivons et travaillons désormais dans un contexte de changement perturbateur, où notre environnement évolue de plus en plus rapidement et de manière de plus en plus complexe », explique le professeur John Kotter, spécialiste des questions de leadership et du changement. « Cela a pour résultat un écart croissant entre la quantité de changements, leur rythme et leur complexité, et notre capacité humaine à les suivre. »
Pour le Dr Cubas-Wilkinson, c'est précisément cette « capacité humaine » qui est le nerf de la guerre. Car le changement – et plus particulièrement le changement perturbateur comme celui que nous vivons actuellement – a un impact psychologique significatif sur l’humain.
Un effort conjoint de la direction, du management et du service RH permettra de franchir le pas et de :
- S’appuyer sur les compétences et points forts des collaborateurs pour développer leur agilité
- Veiller au bien-être général pour aider chacun à faire face au changement perturbateur
1. Faire l’inventaire des points forts et compétences
Pour révéler les talents d’une organisation, encore faut-il savoir de quels talents il s’agit.
- Quelles sont les domaines d’excellence de chaque collaborateur ?
- Qu'est-ce qui l’aide à performer au meilleur de ses capacités ?
C’est en cherchant au-delà des compétences métier que l’on peut déceler des perles rares, car elles sont rarement visibles au premier abord. Il se peut même que ces talents ne soient même pas utilisés dans leur poste actuel.
En tant qu’experts en évaluation et en développement humain, nous œuvrons depuis plus de 60 ans au développement des compétences comportementales et observons l’impact majeur qu’elles ont sur la performance collective et organisationnelle. En offrant un cadre objectif qui permet d’améliorer la connaissance de soi, une organisation peut aider les personnes à prendre conscience de leurs qualités, de leurs points forts et de leurs moteurs pour gagner collectivement en flexibilité, capacité d’adaptation et agilité.
Cela ouvre aux managers la possibilité d’actionner au mieux les forces en présence.
2. Combler le fossé en matière de bien-être
Le Dr Cubas-Wilkinson cite quatre facteurs ayant un impact sur notre capacité à changer :
- La peur de l’incertitude
- L’épuisement professionnel
- Les obstacles au bien-être
- La « change fatigue » ou fatigue du changement
Une étude Gallup a mis en évidence que moins d'un employé sur quatre considère que son organisation se soucie vraiment de son bien-être. Alors même que l’impact de ce dernier sur les indicateurs clés de performance est significatif. Fatigue, stress, désengagement, absentéisme et démission silencieuse, entre autres, peuvent être des signaux d’un faible niveau de bien-être.
Intégrer la dimension du bien-être dans la stratégie de développement des collaborateurs est indispensable pour faire face au changement perturbateur, selon Dr Cubas-Wilkinson. Cela inclut :
- Sensibiliser à la question du bien-être
- Généraliser la prise en considération de la santé mentale en entreprise
- Faciliter le travail flexible
- Offrir l’accès aux formations à une meilleure connaissance de soi (pour comprendre ses facteurs de stress, notamment)
- Former les personnes qui accèdent aux fonctions du management à l’écoute attentive
Selon une enquête réalisée auprès d’un large échantillon de salariés par le cabinet McKinsey, « les trois quarts des personnes interrogées (…) considèrent que leur supérieur hiérarchique immédiat constitue leur première source de stress au travail. »
Le développement des soft skills via une meilleure compréhension de la psychologie humaine a plus d’un atout pour aider les organisations à faire face au changement et à l'incertitude.
Voici 3 autres raisons pour lesquelles développer la connaissance de soi en période d'incertitude prend tout son sens :
- Cela aide les équipes à mieux travailler ensemble. À mesure que la flexibilité organisationnelle augmente, les collaborateurs sont de plus en plus amenés à travailler de manière transverse, prenant part à différents projets, avec différents services. Savoir travailler avec des personnes ayant des styles de communication différents, des approches de la prise de décision et du conflit également différentes, et savoir adapter son propre style devient donc clé. Ceci est intimement lié à notre personnalité.
- Cela contribue à la rétention des talents. Lorsque les collaborateurs peuvent s’appuyer sur leurs points forts dans leur travail, ils se sentent plus épanouis. Cela renforce leur bien-être et réduit le turn-over.
- Cela peut réduire la pression qui pèse sur les managers. Les leaders et managers ne peuvent pas avoir toutes les réponses ou « toujours tout savoir », surtout en période de changement perturbateur. Comprendre les différents types de personnalité les aide à mieux identifier les motivations de leurs collaborateurs, à identifier leurs points forts et s’appuyer dessus pour mieux les soutenir.
Si les fluctuations économiques, avec des périodes de ralentissement et d'incertitude, sont hors de notre contrôle, il reste toujours possible d’agir sur notre manière de vivre ces périodes charnières. En misant sur les points forts des collaborateurs, on ouvre des perspectives à l’éclosion de leur potentiel et à l’émergence d’une organisation agile et capable d’appréhender le changement.
Aller plus loin :
- Petit guide : « Relation manager-managé - Pour embrasser le changement, parlez bien-être »
- Petit guide : « Relation manager-managé - Gestion du changement et du stress : exercez-vous ! »
- Série virtuelle MBTI® : « Mieux se connaître avec le MBTI® » et « Développer la résilience »
- Accompagner vos collaborateurs en temps de crise